Durabilité

Privilégier les opportunités liées au carbone : l’investissement climatique dans l’économie réelle

12 août 2024 | 9 minute(s) de lecture
La transition vers une économie sobre en carbone va créer des opportunités d’investissement sur l’ensemble des chaînes de valeur. S’ils savent décrypter les défis liés à la décarbonation auxquels sont confrontés les secteurs fortement émetteurs, les investisseurs pourront identifier les entreprises réalisant de vrais progrès et les solutions dont elles ont besoin.
Principaux points à retenir
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Investissement climatique 2.0
Les investisseurs savent désormais que la décarbonation de l’économie réelle nécessitera de flécher les capitaux vers des secteurs à fortes émissions. Il s’agit-là d’un véritable changement par rapport aux prémices de l’investissement durable, lorsque de nombreux investisseurs privilégiaient les secteurs à faible émission de carbone.
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Détecter les signaux clés
Pour identifier les opportunités d’investissement liées à la transition vers une économie bas-carbone, notamment dans les secteurs « difficiles à décarboner », il faut distinguer les signaux témoignant des progrès des entreprises dans des domaines clés, comme l’efficacité en matière d’émissions de carbone, du « bruit » provoqué par des données décorrélées.
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Connaissance approfondie du marché
Il sera indispensable de comprendre les aspects économiques de la transition vers une économie bas-carbone pour saisir les opportunités d’investissement qu’elle engendre. Il faudra faire plus que simplement se focaliser sur les labels, qu’ils soient « verts » ou « durables ».
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Comprendre les défis
L’étude des secteurs à forte intensité en carbone pour comprendre les problèmes auxquels ils sont confrontés pour réduire leur intensité carbone peut aider à identifier les entreprises qui font de réels progrès, avec des plans de décarbonation crédibles et des solutions dont elles auront besoin à l’avenir.
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Composer avec la transition énergétique
Un partenaire d’investissement sachant traverser les grandes transitions économiques et possédant une expertise des marchés et des classes d’actifs peut aider les investisseurs soucieux de la durabilité à atteindre leur double objectif, à savoir enregistrer des performances financières et avoir un impact positif sur l’environnement.

La transition vers une économie bas-carbone ne se cantonne pas aux éoliennes et aux panneaux solaires. Le développement de sources d’énergie propres et renouvelables sera indispensable pour mettre l’économie mondiale sur la voie d’une croissance durable, mais cela n’est qu’un facteur de l’équation. Pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et limiter le réchauffement de la planète, il faudra une participation active des entreprises les plus émettrices et une transformation des secteurs difficiles à décarboner, au-delà de l’énergie, à savoir l’agriculture, les bâtiments, l’industrie lourde et les transports.1

Les investisseurs savent désormais que la décarbonation de l’économie réelle nécessitera de flécher les capitaux vers des secteurs à fortes émissions, comme les producteurs de ciment, de produits chimiques et d’acier. Il s’agit-là d’un véritable changement par rapport aux prémices de l’investissement durable, lorsque de nombreux investisseurs privilégiaient les secteurs à faible émission carbone, jugés plus favorables à l’environnement. Cette évolution s’est traduite par un essor des stratégies prospectives axées sur la « transition » et l’« amélioration des pratiques », qui investissent essentiellement dans des entreprises susceptibles d’améliorer leur profil opérationnel et leurs produits à la lumière des paramètres environnementaux, sociaux et de gouvernance. Les fonds de cette catégorie ne représentent actuellement qu’une part minime de l’ensemble des actifs gérés par les fonds ESG, mais ils présentent de bonnes perspectives de croissance, selon Goldman Sachs Global Investment Research.2

Pour identifier les opportunités d’investissement liées à la transition vers une économie bas-carbone, notamment dans les secteurs « difficiles à décarboner », il faut distinguer les signaux témoignant des progrès des entreprises dans des domaines clés, comme l’efficacité en matière d’émissions de carbone, du « bruit » provoqué par des données décorrélées. En adoptant une approche prospective qui prend en compte les ambitions à long terme d’une entreprise en matière de durabilité, ses sources de revenus, ses plans d’allocation de capital et ses dépenses réelles alignées sur des objectifs de durabilité, les investisseurs peuvent identifier plus facilement les futurs leaders de la transition. Si les entreprises fortement émettrices dotées de plans de transition crédibles offrent les meilleures opportunités pour réduire les émissions carbone, il faut savoir qu’investir dans ces sociétés peut accroître l’empreinte carbone des portefeuilles à court terme.

La transition vers une économie sobre en carbone étant un exercice complexe, nous pensons qu’une approche flexible et multi-classes d’actifs exposée à l’ensemble des chaînes de valeur est la plus indiquée pour saisir les opportunités offertes par les marchés public et privé. Cette approche peut compléter les allocations aux fournisseurs de solutions vertes. En effet, ces entreprises, de taille petite et moyenne, dont beaucoup sont encore détenues par des capitaux privées, pourraient devenir des fournisseurs de premier plan pour les entreprises fortement émettrices qui déploient un plan de réduction des émissions.

Savoir identifier les opportunités

Il sera indispensable de comprendre les aspects économiques de la transition vers une économie bas-carbone pour saisir les opportunités d’investissement qu’elle engendre. Il faudra faire plus que se concentrer sur les labels, qu’ils soient « verts » ou « durables ». Les investisseurs devront connaître sur le bout des doigts les marchés stratégiques, ce qui leur permettra de suivre l’évolution de la demande des entreprises et des États pour les nouvelles solutions climatiques et les réactions des entrepreneurs qui les développent. La transition étant une tendance systémique, des opportunités d’investissement vont se présenter dans toutes les régions et tous les secteurs, et à de nombreux points de la chaîne d’approvisionnement, des start-ups aux grands groupes mondiaux. Pour déceler les meilleurs opportunités, il faudra savoir anticiper l’essor d’une technologie, ce qu’il faut pour qu’elle monte en puissance et les coûts unitaires nécessaires à son adoption.

En matière de climat, les États, les entreprises et les investisseurs du monde entier cherchent surtout à atténuer l’impact de l’activité humaine sur l’environnement, en réduisant les émissions de gaz à effet de serre afin que nous puissions atteindre des émissions nettes nulles d’ici 2050. Ces efforts d’atténuation couvrent tous les domaines, des énergies renouvelables aux véhicules électriques en passant par la consommation durable et la gestion des déchets.

Depuis peu, on observe une volonté d’aider les entreprises et les communautés à s’adapter au changement climatique et à améliorer leur résilience. Cette tendance pourrait inciter les investisseurs à rechercher des opportunités offrant une convergence entre les notions d’atténuation et d’adaptation dans des domaines comme la gestion de la biodiversité, les infrastructures et l’économie circulaire, selon Goldman Sachs Global Investment Research.3

Investir au carrefour des tendances

Lors des années à venir, l’essor de l’intelligence artificielle (IA) et l’adoption des énergies propres seront les deux principaux catalyseurs de l’économie mondiale. Ces deux tendances montrent également comment les investisseurs peuvent identifier des opportunités intéressantes dans les secteurs à forte intensité en carbone pour mieux comprendre les difficultés qui sont les leurs pour réduire leur propre intensité en carbone. Grâce à cette capacité, ils peuvent repérer les entreprises faisant de vrais progrès grâce à des plans de décarbonation crédibles et proposant les solutions nécessaires pour atteindre leurs objectifs.

L’IA est dépendante d’un flux d’énergie constant et abondant. Le traitement d’une requête par ChatGPT, par exemple, consomme beaucoup plus d’énergie qu’une recherche sur Google. D’ici 2030, ce simple fait et l’essor rapide anticipé de l’IA générative vont entraîner une augmentation de 160 % la demande d’énergie de la part des centres de données qui traitent toutes ces requêtes.4 Par conséquent, la révolution de l’IA va certainement être freinée par l’offre disponible d’énergie, ce qui affectera les entreprises en amont et en aval de la chaîne de valeur, des start-up innovantes aux groupes technologiques mondiaux.

Ce défi peut notamment être relevé en rendant les centres de données plus efficaces sur le plan énergétique. Depuis plusieurs années, des entreprises publiques et privées développent des solutions capables de résoudre ce problème, notamment grâce à des systèmes de contrôle intégrés qui optimisent l’énergie utilisée pour refroidir les centres de données, dopent leur résilience et réduisent la vulnérabilité aux temps d’arrêt non prévus. Ces solutions sont essentielles car lorsque les puces d’IA fonctionnent, elles restituent la majeure partie du coût d’exploitation d’un centre de données. Toutefois, lorsqu’elles sont sous-utilisées, leur immobilisation peut s’avérer encore plus coûteuse pour les opérateurs que les fortes hausses du prix de l’électricité.5

Développer des solutions circulaires

Autre défi complexe auquel sont confrontés presque tous les secteurs de l’économie, de l’agriculture à la construction en passant par l’industrie, le commerce ou encore la santé, la gestion des déchets.6 Les déchets constituent une triple menace pour l’environnement : la pollution, la perte de biodiversité et les émissions de gaz à effet de serre. Les Nations unies ont prévenu que l’inaction en la matière aura un prix élevé pour la santé humaine, l’économie et l’environnement. Elles appellent de leurs vœux un renforcement des solutions de prévention et de gestion des déchets, ainsi qu’une approche reposant sur l’économie circulaire afin de minimiser les déchets et de contribuer à l’utilisation durable des ressources naturelles.7

Un nombre croissant d’entreprises cherchent à déployer des solutions circulaires au carrefour des déchets et de l’énergie. La transformation des déchets en « biogaz », ou gaz naturel renouvelable, réduit les émissions de gaz à effet de serre des décharges et constitue une source d’énergie renouvelable tant pour les entreprises que pour les ménages. Ce sont ces solutions qui stimulent l’essor du marché, la production de biogaz devant augmenter de 32 % d’ici 2028.8 Cette croissance donne l’occasion d’investir dans les fournisseurs de solutions mais aussi dans les entreprises qui les adoptent pour réduire leurs propres émissions de carbone.

Autre technologie liée à l’économie circulaire largement utilisée pour convertir les déchets organiques en biogaz, la digestion anaérobie, qui repose sur les bactéries pour décomposer la matière organique en l’absence d’oxygène. Ce processus naturel génère du méthane, un puissant gaz à effet de serre responsable d’au moins un quart du réchauffement climatique actuel.9 En convertissant les déchets organiques dans des « réacteurs » hermétiques, les entreprises les retirent des décharges et capturent le biogaz pour le vendre comme source d’énergie renouvelable. La matière solide restante après la digestion peut être vendue comme engrais naturel et transformée en produits comme la litière pour animaux.10

Les activités liées à la transition

Les divers objectifs et cibles associés au changement climatique reposent sur des échéances futures, comme l’objectif de neutralité carbone d’ici 2050, mais la transition vers une économie bas-carbone a déjà commencé. Les investissements sont en hausse car les investisseurs, les entreprises et États cherchent à exploiter les nouvelles opportunités de croissance. Par exemple, à l’échelle mondiale, les investissements dans la transition énergétique ont atteint un record 1 800 milliards de dollars en 2023, une hausse de 17 % par rapport à l’année précédente.11

Les fournisseurs de solutions climatiques conçoivent une vaste gamme de technologies innovantes dans des domaines aussi variés que les batteries avancées, les biocarburants, les matériaux de construction à faibles émissions, l’agriculture durable et l’acier vert. Ces entreprises, dont beaucoup sont encore à capitaux privés, ne deviendront pas nécessairement des géants mondiaux, mais elles peuvent intégrer les chaînes d’approvisionnement de grandes sociétés, ce qui leur ouvre des perspectives d’expansion. Selon nous, certaines des entreprises proposant ces solutions dans le cadre de plans de transition crédibles sont actuellement sous-évaluées, et que celles qui tireront leur épingle du jeu pourraient devenir des leaders de la nouvelle économie durable.

Ces différentes activités créent des opportunités d’investissement pour les sociétés de gestion capables de les identifier et d’y investir leur capital. Un partenaire d’investissement sachant traverser les grandes transitions économiques et possédant une expertise approfondie des marchés et des classes d’actifs peut aider les investisseurs soucieux du climat à atteindre leur double objectif, à savoir performances financières et impact positif sur l’environnement.

1.  Dans un rapport historique sur le réchauffement climatique, le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat des Nations unies a souligné la complexité de la transition vers une économie sobre en carbone. Il a notamment affirmé qu’atteindre un objectif climatique clé - limiter le réchauffement de la planète à 1,5 °C - nécessiterait des transitions « rapides et profondes » dans les domaines de la gestion du foncier, de l’énergie, de l’industrie, des bâtiments, des transports et des villes. Cf. « Special Report on Global Warming of 1.5°C », GIEC. 8 octobre 2018.
2. « Navigating Sustainable Investing Uncertainty and Opportunity in 2024 », Goldman Sachs Global Investment Research. 2 janvier 2024. Ce groupe de fonds représente 3 à 4 % de l’ensemble des actifs sous gestion des fonds ESG. La priorité accordée à l’économie réelle est particulièrement évidente pour les fonds axés sur l’amélioration des pratiques, qui ont toujours été deux fois plus exposés aux combustibles fossiles que la moyenne des fonds ESG. L’univers des fonds de transition et d’amélioration étudiés dans le rapport comprend les fonds relevant des Articles 8 et 9 et dont le nom comporte les termes « transition », « aligné sur les accords de Paris », « décarbonisation » et « amélioration ». Les fonds se consacrant à la transition climatique, qui investissent dans des entreprises qui adaptent leurs stratégies à la transition vers une économie bas-carbone, sont également en augmentation. Selon Morningstar, ces fonds ont vu leurs actifs mondiaux sous gestion augmenter de 25 % en 2023, à 210 milliards de dollars. Cf. « Investing in Times of Climate Change: 2023 in Review », Morningstar. Avril 2024.
3.  « GS SUSTAIN: Adaptation : Physical Risk, Financial Risk, Opportunity », Goldman Sachs Global Investment Research. Au 10 janvier 2024.
4.  « AI is poised to drive 160% increase in data center power demand », Goldman Sachs Global Investment Research. Au 14 mai 2024.
5. « GPU Cloud Economics Explained - The Hidden Truth », SemiAnalysis. Au 4 décembre 2023.
6. « Beyond an Age of Waste: Turning Rubbish Into a Resource », Programme des Nations unies pour l’environnement. 26 février 2024. En outre, les villes du monde entier génèrent plus de 2 milliards de tonnes de déchets solides chaque année.
7.  Ibid.
8. « Renewables 2023: Analysis and Forecasts to 2028 », Agence internationale de l’énergie. Janvier 2024.
9. « Methane », site web du PNUE. 26 mai 2024.
10. « How Does Anaerobic Digestion Work », site internet de l’Agence américaine de protection de l’environnement. 26 mai 2024.
11.  « Energy Transition Investment Trends 2024 », BloombergNEF. 30 janvier 2024. Les transports électrifiés ont représenté l’essentiel de ces dépenses (634 milliards de dollars), suivis par les énergies renouvelables (623 milliards de dollars).

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