Des obligations « core » au crédit : Une nouvelle stratégie obligataire
Nous venons d’entrer dans une nouvelle ère d'opportunités obligataires, avec une remontée des rendements qui devrait inciter les investisseurs à (re)mettre en place une allocation aux obligations core . Les obligations core sont des titres de grande qualité et moins risqués, comme les emprunts d'État et les obligations d'entreprises investment grade. Ces instruments obligataires peuvent apporter équilibre et stabilité à un portefeuille bien diversifié grâce à un flux de revenus prévisible, à une volatilité inférieure à celle des actifs cycliques et à des avantages en termes de diversification liés à leur corrélation faible, voire négative, à d'autres actifs comme les actions.
Au-delà de l’univers obligataire habituel, des opportunités apparaissent également sur le segment du crédit privé, qui lui aussi a des bénéfices en matière de diversification et offre des rendements potentiellement plus élevés. Mais les opportunités d’investissement s'accompagnent toujours d’incertitudes et de défis. L'économie mondiale, les marchés financiers et la société tout entière connaissent une profonde transformation sous l'effet de cinq forces structurelles : la décarbonation, la dématérialisation, la démondialisation, la déstabilisation des relations géopolitiques et le vieillissement démographique. Grâce à une sélection active des titres, à des efforts de diversification et à une allocation dynamique des actifs, les investisseurs devraient pouvoir éviter les écueils et construire des portefeuilles résilients et axés sur la génération de performance.
Renforcer le cœur de votre portefeuille
La sortie de l'environnement de faibles rendements qui a caractérisé le dernier cycle s’est révélée mouvementée. En 2022, la quasi-totalité des actifs financiers ont enregistré des performances négatives en raison du resserrement monétaire ultra-rapide provoqué par l’envolée de l’inflation. Le tournant est intervenu en novembre 2023, avec des signes croissants de désinflation et l’enthousiasme suscité par le pic potentiel des taux directeurs après le long cycle de relèvement des banques centrales. Cette tendance a permis aux actifs obligataires de finir l’année en beauté.

Source : Goldman Sachs Asset Management, Macrobond, Bloomberg, J.P.Morgan, ICE BofAML, Markit iBoxx. Performances totales annuelles, 2023. En devise locale. Les performances passées ne sont pas un indicateur fiable des performances futures, qui sont susceptibles de varier.
Même en tenant compte de ces performances exceptionnelles, les rendements offerts aux investisseurs en ce début d’année 2024 par les obligations de bonne qualité n’ont jamais été aussi élevés que depuis la période précédant la crise financière mondiale. Les investisseurs n'ont plus besoin de s'aventurer sur les segments les plus risqués des marchés financiers pour obtenir des revenus. Ils ont plutôt intérêt à initier ou à renforcer une allocation aux obligations core, qui englobent les obligations d'entreprise investment grade, les obligations titrisées et les emprunts d'État, tout en restant exposés à des actifs comme la dette d'entreprise à haut rendement et la dette des marchés émergents pour contribuer à l’appréciation du capital.

Source : Macrobond, ICE BofAML, Goldman Sachs Asset Management. Au 17 janvier 2024.
La baisse attendue des taux directeurs des banques centrales d'ici la fin de l'année sera selon nous favorable aux obligations core. Les rendements initiaux plus élevés de ces actifs par rapport au dernier cycle et même à l'année dernière sont également bénéfiques. Le niveau actuellement élevé des rendements peut protéger les investisseurs. Ils peuvent ainsi se prémunir contre une éventuelle augmentation des rendements susceptible d’être déclenchée par des chocs inflationnistes, eux-mêmes causés par des tensions géopolitiques perturbant les chaînes d'approvisionnement mondiales ou les marchés des matières premières.
Concrètement, il faudrait que les rendements des obligations d'entreprises américaines investment grade augmentent de plus de 0,72 % pour que les investisseurs enregistrent des performances totales négatives au cours des 12 mois à venir. Une telle hausse des rendements est selon nous peu probable compte tenu de notre évaluation prudente des bilans et du caractère favorable de la conjoncture économique. Ce « coussin de rendement » a diminué après avoir atteint un pic en octobre dernier, mais il n’a jamais été aussi important depuis 2010. Dans un portefeuille d'investissement bien diversifié, nous pensons que les obligations core permettent de préserver le capital et d'assurer un flux régulier de revenus.
Les obligations core offrent également une liquidité accrue par rapport aux segments plus cycliques des marché obligataires et actions. Cette caractéristique est intéressante pour les investisseurs confrontés à une évolution plus fréquente des conditions économiques.

Source : Goldman Sachs Asset Management, Macrobond, Bloomberg. Au 12 janvier 2024. Cette analyse repose sur le portage (performance totale attendue au-delà de l’appréciation du prix) et n'inclut pas le renouvellement (« roll », la variation de rendement résultant du roulement progressif (« roll down ») sur une courbe de crédit). Nous faisons l’hypothèse d’une absence de pertes sur défaut. Ces exemples ne sont donnés qu’à titre indicatif et ne constituent pas des résultats réels. Si l’une des hypothèses utilisées se révèle inexacte, les résultats peuvent considérablement varier.
Sécuriser des taux attractifs pour une résilience accrue
Les chocs violents engendrés par la pandémie et les conflits mondiaux ont montré qu’il était essentiel de préparer et de renforcer l’économie, le secteur de la santé et nos chaînes d'approvisionnement. Ce constat trouve un écho tout aussi marqué dans les portefeuilles d'investissement. Dans un monde empreint d'incertitudes, qu’il s’agisse des risques de cybersécurité liés à l'intelligence artificielle ou des "cygnes verts" déclenchés par les points de bascule du climat, il n’a jamais été aussi urgent de construire des portefeuilles résilients.
Avec des rendements qui ne sont plus nuls ni même faibles, nous pensons que les emprunts d'État, ou les taux - composante essentielle des obligations core - sont en train de redevenir une source de résilience pour les portefeuilles face aux risques de dégradation de la croissance. Les emprunts d'État ont retrouvé leur capacité de protection en mars 2023, lorsque le rendement des bons du Trésor américain à deux ans a enregistré sa plus forte baisse mensuelle depuis 1982, dans le sillage des tensions dans le secteur bancaire régional américain. Le fait que le risque baissier sur la croissance ait pris le dessus sur le risque inflationniste et le risque de durcissement des politiques monétaires devrait à nouveau faire émerger des corrélations négatives entre les obligations et les actifs risqués, ce qui renforcera la valeur des emprunts d'État dans les portefeuilles. En d’autres termes, lorsque d'autres actifs dans un portefeuille se montrent volatils ou voient leur valeur diminuer, les emprunts d'État peuvent atténuer les pertes et constituer une source de stabilité.
Allongez votre horizon d’investissement sur le crédit
Pour les investisseurs souhaitant s’affranchir des marchés obligataires publics, le crédit privé est devenu une classe d'actifs diversifiée offrant de multiples opportunités (émetteur, qualité de crédit et ratio risque/rendement). Cette classe d'actifs offre des rendements accrus, une protection contre la volatilité du marché à court terme et des avantages potentiels en matière de diversification.
L’essentiel de l’encours du crédit privé porte actuellement sur des prêts aux entreprises, mais la classe d'actifs englobe également d’autres types de stratégie comme le crédit immobilier et les financements spécialisés. Ces stratégies présentent des profils risque/rendement et des degrés de sensibilité au cycle économique variables. Le crédit privé dans le domaine immobilier peut financer divers types de biens adossés à des tendances à long terme ou possédant des dynamiques spécifiques en termes d’offre et de demande. Quant aux prêteurs spécialisés, ils proposent des prêts garantis par des équipements et d'autres actifs corporels, assurent des flux de revenus futurs - comme des redevances -, ou sont adossés à des pools d'actifs financiers comme des prêts à la consommation. Le financement d'actifs est selon nous un segment en forte croissance.
Concernant le crédit privé aux entreprises, les défauts de paiement restent pour l’instant limités dans le cycle actuel. Les fondamentaux opérationnels des emprunteurs font preuve d’une belle résistance. En cas de tensions, la nature de gré à gré du crédit privé permet aux emprunteurs et aux prêteurs de résoudre rapidement les difficultés potentielles et donc de réduire le nombre de défaut. De plus, de nombreux emprunteurs bénéficient du soutien de sponsors financiers qui les accompagnent en cas de crise afin de protéger leur investissement en fonds propres.
La perspective d'une baisse des taux d'intérêt de la Réserve fédérale américaine en 2024 est une bonne nouvelle pour les emprunteurs, compte tenu des taux variables de leurs engagements. Mais l’impact de ces baisses de taux devrait être limité. La dynamique relativement bonne des défauts devrait selon nous se poursuivre, mais avec une dispersion accrue au cas par cas. Les sociétés peu endettées ou générant des flux de trésorerie plus soutenus devraient être mieux armés pour résister à l'environnement des taux d'intérêt, alors que certaines entreprises et modèles économiques à fort effet de levier seront confrontés à une dette particulièrement élevée. Les entreprises robustes dont les bilans ne sont pas adaptés à l'environnement de taux actuel pourraient accélérer la demande de solutions de financement structurées innovantes, notamment via du capital hybride.
Selon nous, toute allocation aux stratégies de crédit privé doit reposer sur une approche granulaire et sophistiquée. L'une des solutions consiste à établir un parallèle entre les stratégies d'investissement dédiées au crédit privé et leurs équivalents les plus proches sur les marchés publics. Cette comparaison permet de définir les caractéristiques, les rôles et les approches de diversification des portefeuilles.

Source : Goldman Sachs Asset Management. À titre d’illustration uniquement. Septembre 2023.
De nouvelles structures de fonds facilitent désormais l’accès au crédit privé et permettent de rendre l’allocation d'actifs plus dynamique. Par exemple, le marché des véhicules semi-liquides peut offrir une exposition immédiate au marché privé, un rendement avec une liquidité régulière (en fonction des plafonnements des rachats (gates) et des liens de surbordination) et un réinvestissement du produit afin de contribuer à l’effet de capitalisation sur la durée.
RESTER SÉLECTIF ET ACTIF
Les changements profonds que traversent l'économie et les marchés financier ont ouvert une nouvelle ère d'opportunités à la fois sur les segments des marchés obligataires traditionnels et alternatifs. Les investisseurs doivent rester sélectifs et actifs, en trouvant un équilibre entre les dynamiques cycliques et les tendances structurelles sous-jacentes afin d’identifier des sources de performance et d’éviter les émetteurs en difficulté financière.
Avec l’accélération progressive des grandes tendances structurelles (décarbonation, dématérialisation, démondialisation, déstabilisation des relations géopolitique et vieillissement démographiques), le fossé entre les chefs de file et les retardataires - qu’il s’agisse d’entreprises ou de pays - risque de se creuser. Il sera donc de plus en plus important d'identifier des émetteurs privés et souverains résilients dotés d'une vision claire et à long terme.
La dispersion entre classes d'actifs, secteurs et régions devrait également augmenter en raison du niveau désormais plus élevé des taux d'intérêt. Les émetteurs souverains des pays développés présentant une trajectoire budgétaire inquiétante, certains pays émergents accablés par une dette massive libellée en dollars, les petites entreprises dont les sources de financement se raréfient et les banques exposées à l'immobilier commercial pourraient rencontrer des difficultés.
L'analyse au cas par cas, qu’il s’agisse d’entreprise et d’obligation, permet d’identifier des entités mieux armées pour gérer les coûts élevés du capital et profitant des grandes tendances à long terme. En outre, une gestion active conjuguée à une allocations d’actifs dynamique peut s'avérer précieuse dans un contexte marqué par des divergences accrues sur le front des politiques monétaires et offrir une meilleure visibilité sur les taux d'intérêt dans les différents marchés.
S’agissant du crédit privé, savoir sélectionner les meilleurs gérants va devenir primordial car l’environnement de « taux durablement plus élevés » va créer une dispersion accrue entre les entreprises solides et celles en difficulté.
Si la configuration actuelle des marchés obligataires a un avantage, c’est celui d’augmenter le potentiel en termes de revenus et de performance totale. Il existe toutefois un revers de la médaille, lié au ralentissement potentiel de la croissance et aux difficultés potentielles des entités très endettées. L'accélération des tendances à long terme présente à la fois des opportunités et des risques pour les investisseurs. Pour tirer son épingle du jeu, il faudra suivre de nouvelles règles reposant sur une gestion active, une allocation d'actifs dynamique et une flexibilité suffisante pour exploiter le potentiel de tous les actifs de l’univers, des obligations core au crédit privé.

