Une exécution prudente dans le domaine de la dette privée sera essentielle en 2024
Une exécution prudente dans le domaine de la dette privée sera essentielle en 2024
La dette privée a bénéficié de la hausse des taux d’intérêt en 2023, en partie grâce au fait que la classe d’actifs est liée à des taux variable. Cette année, malgré le retournement du cycle des taux d’intérêt et les prévisions de baisse des taux, « l’éventail des opportunités reste très attractif », déclare Greg Olafson, Responsable mondial du crédit privé chez Goldman Sachs. Les investisseurs institutionnels peuvent s’attendre à des performances à deux chiffres, et même si ces dernières pourraient être légèrement inférieures à celles de l’année dernière, elles pourraient se révéler attrayantes sur une base ajustée du risque, ajoute-t-il.
Toutefois, ces performances « dépendront des opportunités d’allocation des capitaux et de l’accès à la bonne clientèle. À cet égard, nous entrevoyons de nombreuses opportunités de prêt à des entreprises de qualité », explique Greg Olafson, en particulier pour les gestionnaires de dette privée expérimentés qui allouent des capitaux par le biais d’une solide réserve de transactions avec des promoteurs de fonds de private equity.
Des pressions constantes
À la suite des récentes hausses de taux de la Réserve fédérale, le coût plus élevé de la dette a mis la pression sur les emprunteurs, rendant inévitables certaines situations de sauvetage (lorsqu’un emprunteur fait défaut et que les conditions du prêt sont renégociées). « À mesure que les entreprises qui ont emprunté dans un environnement de taux bas se rapprochent de leurs échéances et à leurs couvertures de taux, le coût de leur dette augmente », précise Greg Olafson. Cela pourrait mettre sous pression les entreprises qui ne se développent pas assez ou ne génèrent pas assez de revenus pour compenser les coûts plus élevés, et les répercussions pourraient alors générer des tensions sur le marché.
Mais ces situations devraient se produire au cas par cas – la dette privée n’est pas confrontée à un risque systémique du fait de la hausse des taux, affirme-t-il. Qu’il s’agisse des promoteurs financés par le private equity ou des gestionnaires de crédit privé, la classe d’actifs comprend des « professionnels très expérimentés qui disposent de mandats flexibles, capables de résoudre de manière constructive [les problèmes] au sein du portefeuille à condition qu’il aient une raison commerciale suffisante de prolonger l’échéance, de fournir plus de capitaux ou de modifier les conditions ». En outre, les prêteurs privés disposent de plus de contrôle et de flexibilité sur les facteurs clés, tels que la durée, les clauses restrictives et les paiements aux fins d’amortissement. « C'est un aspect crucial de la dette privée. [L’emprunteur] collabore avec le prêteur ».
Le coût plus élevé de la dette pour les emprunteurs ainsi que l’incertitude ressentie par les investisseurs à l’égard de la détermination des valorisations l’année dernière ont contribué à la baisse des volumes de transactions, note Greg Olafson. Mais selon l’équipe dédiée au crédit privé chez Goldman Sachs Asset Management, la résilience de la consommation et le faible taux de chômage aux États-Unis qui sous-tendent la vigueur de l’économie devraient stimuler le volume des opérations de fusion-acquisition cette année.& « La baisse du coût de la dette y contribue, tandis que l’incertitude [liée aux valorisations] le freine un peu », précise-t-il. Le nombre d’opérations s’est accéléré au troisième trimestre 2023, et « quant au volume de transactions de notre activité de crédit, le quatrième trimestre a été de loin le plus actif de l’année », confirme-t-il. « Nous pensons que cette tendance devrait se poursuivre en 2024 ».
Suivre l’historique de performance
Si le potentiel d’augmentation du flux des transactions est une bonne nouvelle pour les investisseurs dans le domaine de la dette privée, la difficulté consiste à trouver un gérant opérationnel ayant déjà eu accès à un flux de transactions de qualité et qui a été confronté à des situations de crédit sur différents cycles de marché. C’est encore plus vrai aujourd’hui dans un secteur du crédit privé plus concurrentiel, où les fournisseurs de crédit d’autres segments du marché ont adopté une vision plus laxiste des conditions de transaction afin de pouvoir se positionner, confirme Greg Olafson.
« Vous devez privilégier la prudence, l’expertise et l’historique de performance de votre partenaire, ainsi que son accès à un flux de transactions de qualité, car le fait est que beaucoup de ces transactions affichent les mêmes valorisations : les conditions ne sont pas si différentes, et les conditions fluctuent en fonction de l’offre et de la demande », poursuit-il.
Selon lui, le crédit privé continuera à séduire les entreprises emprunteuses. « On peut penser que le crédit privé représente une meilleure solution puisque l’on traite directement avec un prêteur, qui peut offre certitude et flexibilité et, désormais, une taille équivalente à ce que les marchés cotés peuvent historiquement offrir ». Mais « en fin de compte, tout se résume aux normes de souscription de crédit, et le facteur le plus déterminant est la qualité de l’entreprise à laquelle vous prêtez », résume Greg Olafson.
Une activité qui mobilise beaucoup de main-d’œuvre
« Il s’agit d’une activité qui mobilise beaucoup de main-d’œuvre », affirme-t-il. « Elle concerne des opérations à origination directe, souscrites et négociées de manière directe qui nécessitent des ressources et du personnel ».
Un gérant de dette privée doit être actif et engagé auprès des entreprises présentes dans son portefeuille. Il a besoin à la fois de ressources et d’expérience pour faire face aux situations complexes qui pourraient survenir lorsque les entreprises réagissent à l’évolution des conditions du marché. « Il faut être capable de raisonner comme un propriétaire », assure Greg Olafson. L’équipe de Goldman Sachs dédiée au crédit privé, souligne-t-il, collabore avec l’équipe de private equity et l’équipe « Value accelerator » qui aide à accroître la valeur des entreprises de son portefeuille.
Les gestionnaires de crédit privé offrent des conditions plus sophistiquées aux emprunteurs, avec des solutions hybrides actives au deuxième semestre 2023 et susceptibles de continuer au cours des deux prochaines années, détaille-il. Ces solutions sont prévues pour les situations où « l’on est aux prises avec des entreprises performantes, mais dont la croissance est peut-être un peu en retard par rapport aux prévisions, ce qui signifie que leur dette arrive à échéance avant que le propriétaire ne soit prêt à vendre. Il se peut qu’elles aient besoin de capitaux supplémentaires pour poursuivre leur croissance », indique Greg Olafson. Parmi les solutions hybrides potentielles, on peut retrouver l’extension de l’échéance, un financement structurel pour fournir davantage de capitaux, une offre secondaire ou une vente stratégique par le propriétaire de private equity.
Secteurs à surveiller
La santé et l’édition de logiciels sont deux secteurs susceptibles d’offrir des opportunités en 2024, car ils affichent tous deux une forte croissance et ont fait l’objet de nombreuses opérations de private equity ces dernières années.
La santé est un secteur fondamentalement sain, et c’est l’une des raisons pour lesquelles les gestionnaires de private equity sont intéressés par le financement par l’emprunt des organismes de santé. « Les données démographiques sont solides, l’innovation est forte, les barrières à l’entrée sont importantes et le capital utilisé efficacement », assure Geg Olafson. Mais le secteur de la santé, en particulier, est confronté à une pénurie de main-d’œuvre, ce qui peut entraîner une hausse des salaires.
L’édition de logiciels, secteur aussi fondamentalement sain et doté d’une base de clients solide et récurrente, pourrait se trouver confronté à un ralentissement économique qui inciterait les entreprises clientes à réduire leurs dépenses, ou du moins à ne pas les augmenter. Il serait alors plus difficile pour ces entreprises de se refinancer ou de lever de nouveaux capitaux à des taux raisonnables. « C’est peut-être dans une croissance décevante que réside le risque », avance Greg Olafson. Ces deux secteurs « offriront de nombreuses opportunités, mais proposeront aussi quelques défis », ajoute-t-il.
La transition à long terme des combustibles fossiles vers les sources d’énergie renouvelables est un domaine mûr pour l’investissement privé. Cette transition, qui n’en est qu’à ses débuts, nécessitera d’énormes investissements, tant en termes de capitaux propres que de dette. Greg Olafson est convaincu que « l’innovation liée à l’efficacité énergétique, à la transition énergétique et à la décarbonation est une opportunité qui nécessitera beaucoup de capitaux, et que de nombreuses opportunités de prêter et d’investir dans ce domaine se présenteront ».
Se concentrer sur l’exécution
Quelle que soit l’évolution de l’économie en 2024, les entreprises des secteurs de la santé, des logiciels, de l’énergie et d’autres segments continueront d’avoir recours à des nouveaux capitaux et à refinancer les capitaux existants, ce qui offrira aux gérants de dette privée des opportunités d’allocation tout au long de l’année.
Aujourd’hui, « ce qui compte, c’est la qualité de la transaction : Le portefeuille de crédit principal est construit en se concentrant sur une transaction à la fois », déclare Greg Olafson. Dans un environnement de marché plus complexe qui nécessite la constance d’un gestionnaire de crédit privé expérimenté, « nous devons nous assurer qu’à ce stade quelque peu euphorique pour le crédit privé, nous ne perdions pas de vue le fait qu’il s’agit d’une activité qui s’ancre dans la prudence, l’exécution, l’application et la diligence ».