Synthèse de marché : Déterminer les forces qui façonnent les marchés
Analyse des forces du marché
Depuis le début de l’année, les mouvements de marché ont reflété un écart entre les attentes et la réalité. L’optimisme suscité par l’adoption de politiques favorables à la croissance capables de stimuler l’économie américaine, déjà supérieure à son niveau tendanciel, a été tempéré par deux principaux facteurs. D’abord, le séquençage des politiques de l’administration Trump, puisque des mesures favorables au marché (allégements fiscaux, assouplissement de la réglementation) ont succédé aux mesures anticoncurrentielles (droits de douane, suppressions d’emplois imposées par l’organisation DOGE, contrôles de l’immigration). Ensuite, l’accumulation de statistiques économiques peu encourageantes aux États-Unis, qui ont ramené la croissance américaine d’un niveau supérieur à sa tendance à un niveau proche. Parallèlement, les perspectives en dehors des États-Unis se sont améliorées pour plusieurs raisons : l’émergence de modèles d’IA chinois rentables et compétitifs à l’échelle mondiale, la perspective d’un possible cessez-le-feu en Ukraine et un changement de régime en Europe, marqué par une augmentation des dépenses budgétaires de l’Allemagne et une hausse des dépenses de défense dans les pays européens. En conséquence, les actifs risqués américains – et notamment les actions et le crédit – ont sous-performé leurs homologues européens et émergents, et l’appréciation du dollar a été freinée.
Faire face aux risques liés aux droits de douane
Les États-Unis ont annoncé, reporté, imposé, puis exempté des droits de douane pour certains produits. Les droits de douane en vigueur ont augmenté le taux effectif des droits de douane américains d’environ 3 %.1 Les droits de douane sur les véhicules, les importations critiques et les droits de douane réciproques2 pourraient porter le taux effectif à environ 10 %, soit cinq fois l’augmentation observée durant le premier mandat de Donald Trump. Les droits de douane ont été mis en œuvre plus rapidement, à des taux plus élevés et avec une portée plus vaste que prévu. Les coûts économiques sont qualitativement compris comme la stagflation aux États-Unis, caractérisée par une inflation plus élevée à court terme, une croissance plus faible et un impact sur la croissance en dehors des États-Unis, reflétant les impacts directs de la hausse des prix à la consommation et de la réduction des investissements des entreprises dans un contexte d’incertitude élevée en matière de politique commerciale. Toutefois, l’impact quantitatif reste très incertain, car il dépend de la durée des droits de douane et des exemptions. La Réserve fédérale pourrait poursuivre son cycle de baisse des taux cette année si les droits de douane diminuent et si l’inflation se normalise, ou pour se prémunir contre les risques de détérioration de la croissance. Mais le potentiel de réduction sera supérieure à 2019, à moins que les anticipations inflationnistes basées sur des enquêtes ne s’atténuent.
Décryptage du passage à vide américain
Il est difficile d’ignorer la faiblesse des données américaines : les dépenses des ménages ont reculé, le marché du logement est atone, le sentiment est morose et les suppressions d’emplois prévues sont en hausse. Cette faiblesse peut s’expliquer en partie par des distorsions météorologiques et des problèmes liés aux ajustements statistiques. L’actualité négative peut également avoir un impact considérable sur le moral des consommateurs, mais cela n’a pas toujours correspondu aux habitudes de consommation. Et les licenciements de fonctionnaires fédéraux associés aux efforts d’efficacité voulu par le Département de l’Efficacité gouvernementale restent faibles par rapport au marché de l’emploi américain. Nous pensons que le tableau sous-jacent dressé par les données économiques concrètes reste cohérent avec la poursuite de l’expansion économique ; les demandes d’allocations chômage sont contenues, le rythme moyen de la croissance de l’emploi au cours des trois derniers mois est satisfaisant, la désinflation soutient la croissance des salaires réels, et les bilans du secteur privé restent raisonnables – un constat confirmé par la dernière saison de publication des bénéfices des entreprises. Goldman Sachs Global Investment Research a récemment relevé de 15 % à 20 % la probabilité d’une récession aux États-Unis au cours des 12 prochains mois, les principaux facteurs cités étant les choix politiques – en particulier les droits de douane – plutôt que les fondamentaux macroéconomiques. Cette probabilité pourrait diminuer si les mesures devaient être ajustées en réponse à la faiblesse persistante des données.
Évaluation de la transformation budgétaire de l’Allemagne
L’évolution historique de l’Allemagne vers une augmentation des dépenses de défense et d’infrastructures, ainsi qu’une plus grande marge de manœuvre budgétaire au niveau de l’État, est un catalyseur positif potentiel pour la croissance à moyen terme en Allemagne et dans la zone euro3. Toutefois, les perspectives à court terme sont assombries par le risque des droits de douane américains. Compte tenu du niveau de départ modéré de la croissance et de la désinflation, la BCE devait procéder à quelques réductions de taux supplémentaires pour atteindre la neutralité. Les contraintes budgétaires dans des économies très endettées et très déficitaires comme la France et l’Italie, ainsi que les considérations relatives au financement et au personnel, aux infrastructures, à l’équipement et à la R&D, indiquent que l’initiative de transition vers l’indépendance en matière de sécurité et de défense en Europe devrait s’étaler sur plusieurs années.
Questionnements sur l’IA
Les 7 Magnifiques, un groupe de sept entreprises technologiques américaines à forte capitalisation connues pour leur leadership en matière d’investissements dans l’IA générative, ont considérablement stimulé les performance des actions américaines au cours des dernières années. Toutefois, les choses ont été très différentes cette année. L'indice S&P 500 total return est en baisse de 5 % depuis le début de l’année, tandis que les 7 Magnifiques sont en baisse de 15,2 %. À l’inverse, à la même date en 2024, l’indice S&P 500 était en hausse de 7,6 % contre 12,9 % pour les 7 Magnifiques4. Les investisseurs s’inquiètent de savoir si les leaders actuels dans le domaine de l’IA profiteront de leurs investissements à l’avenir, en particulier au vu de l’émergence de modèles d’IA chinois rentables. Cette inquiétude est justifiée selon nous : aucune des dix premières capitalisations américaines en 1990 ne figure dans le top 10 aujourd’hui, et si l’on considère les leaders de la décennie 2010, seuls Apple et Microsoft sont parvenus à se maintenir. Il faut s’attendre à la même migration des gagnants et des perdants sur le thème de l’IA, à mesure que l’accent se déplace de l’investissement dans l’IA vers l’adoption de l’IA.5 Les gagnants seront aussi potentiellement plus diversifiés sur le plan géographique. En effet, l’indice Hang Seng TECH a gagné plus de 30 % depuis le début de l’année6.
Conséquences pour les actions – des 7 Magnifiques vers une solide diversification
Les événements survenus depuis le début de l’année renforcent notre conviction que les investisseurs devraient élargir leur horizon en matière d’actions au-delà des grandes capitalisations américaines pour inclure davantage de pays, de secteurs et de styles. Alors que les actions américaines ont, la plupart du temps, surperformé le reste du monde pendant ces 15 dernières années, la diversification s’avère une fois de plus être une stratégie efficace pour maximiser les performances financières7. Par exemple, les actions européennes et allemandes ont généré une performance totale de plus de 12 % en dollars depuis le 1er janvier8. La dispersion sectorielle permet également aux gérants actifs de faire la part des choses entre la valeur ajoutée et les pièges de valeur. Par exemple, les banques européennes ont surperformé les 7 Magnifiques depuis 2022, tandis que les automobiles européennes sont confrontées à des difficultés structurelles liées à la transition énergétique et à la concurrence de la Chine. La nouvelle trajectoire de croissance et de sécurité de l’Europe offre un potentiel d’investissement à long terme dans divers secteurs pour les spécialistes de la sélection de titres bottom-up dans des domaines tels que la chimie spécialisée, l’équipement médical, les produits de luxe, les services publics et la défense. En outre, le programme politique des États-Unis renforce les perspectives de réindustrialisation, créant des opportunités structurelles uniques liées à la chaîne logistique, aux ressources et à la sécurité nationale. En outre, les opportunités liées à l’IA s’étendent au-delà des entreprises en phase de démarrage, telles que les semi-conducteurs, à celles qui bénéficient de l’adoption de l’IA, telles que les éditeurs de logiciels. À l’heure actuelle, seulement 6,1 % des entreprises américaines utilisent l’IA pour produire des biens ou des services9. À terme, les opportunités d’investissement dans l’IA s’étendront à divers secteurs, stimulant ainsi la productivité. Enfin, les petites capitalisations américaines constituent un outil de diversification par rapport aux grandes entreprises en plus d’être beaucoup moins impactées par les guerres commerciales – les approches fondamentales et quantitatives peuvent aider à identifier et à exploiter les inefficiences dans cet univers plus restreint et moins couvert.
Implications pour la sphère obligataire – Potentiel de revenu régulier en période d’instabilité
Les avantages des obligations ont été évidents depuis le début de l’année, avec la baisse des rendements des bonds du Trésor US dans un contexte d’inquiétude liées à la croissance. Cette baisse a contribué à compenser le regain d’aversion au risque dans les autres classes d’actifs. Nous restons convaincus qu’il est intéressant de se positionner sur les rendements obligataires japonais, plus élevés, dans le cadre d'un cycle vertueux de croissance des salaires et de l’inflation, ainsi que sur des courbes de rendement plus raides, y compris en Europe où la politique à court terme de la BCE et les perspectives budgétaires à moyen terme renforcent cette conviction. En outre, nous pensons que les investisseurs en quête de rendement absolu sur le segment du crédit sont relativement isolés de la tendance d’aversion au risque, car la plupart des revenus des obligations d’entreprise proviennent aujourd’hui des taux d’intérêt élevés plutôt que des spreads de crédit10. Selon nous, cette dynamique peut contribuer à atténuer les risques de baisse liés à la volatilité des marchés boursiers ou à la détérioration de la croissance économique. Plus généralement, les marchés du crédit sont restés stables, l’élargissement des spreads étant globalement ordonné. Les fondamentaux de crédit étant bien orientés, nous restons convaincus de l’intérêt des flux de revenus réguliers dans les secteurs du crédit et de la titrisation aux États-Unis. La récente volatilité des marchés a légèrement assoupli les contraintes de valorisation, ce qui nous a permis d’intégrer des titres à forte conviction à des valorisations plus attrayantes dans les portefeuilles obligataires de nos clients. Nous sommes désormais plus prudents à l’égard du dollar, dont la tendance à l'appréciation s’est interrompue malgré les risques tarifaires liés aux droits de douane, eux-mêmes dûs aux inquiétudes concernant la baisse des taux d’intérêt américains et la croissance. Toutefois, les options sur devises continuent d’offrir un potentiel d’investissement permettant de tirer parti de la volatilité élevée du marché des changes.
Les thèmes que nous surveillons
Les tensions commerciales sont susceptibles d’accroître la volatilité des marchés. Nous sommes également conscients des effets inflationnistes que ces politiques, ainsi que d’autres telles que les contrôles de l’immigration, pourraient avoir, même si elles sont ajustées par la suite. Nous suivons de près l’imposition de droits de douane supplémentaires et les annonces attendues sur la stratégie tarifaire américaine à long terme au début du mois d’avril, lorsque les conclusions du mémorandum sur la politique commerciale « America First », publié en janvier, devraient être rendues publiques. Toutefois, d’autres catalyseurs positifs potentiels se profilent à l’horizon. Le programme politique de Donald Trump pourrait s’orienter vers des mesures favorables au marché, telles que des réductions d’impôts et des assouplissements réglementaires, bien que cela puisse à nouveau être source de risque pour les investisseurs en crédit, à savoir la perspective d’une augmentation de l’activité de fusion-acquisition financée par la dette. Un cessez-le-feu en Ukraine pourrait améliorer encore les perspectives macroéconomiques et les perspectives du marché européen. En outre, les banques centrales pourraient procéder à des réductions de taux préventives afin de se prémunir contre les risques de baisse de la croissance liés aux droits de douane. Dans l’ensemble, nous pensons qu’il est essentiel pour les investisseurs de rester concentrés sur les fondamentaux, de maintenir la diversification, d’être dynamiques et de faire preuve de rigueur pour composer avec succès avec un paysage d’investissement en évolution rapide.
1 À compter du 12 mars 2025, cela comprend des droits de douane de 25 % sur l’acier et l’aluminium, une augmentation de 20 % sur les importations en provenance de Chine et de 10 à 25 % sur une petite partie des importations en provenance du Canada et du Mexique qui ne respectent pas l’accord États-Unis-Mexique-Canada (USMCA). Source : Un analyste économique américain met à jour ses prévisions économiques pour y inclure des augmentations de droits de douane plus importantes. Le taux effectif des droits de douane aux États-Unis est une mesure qui calcule les recettes douanières en pourcentage de l’ensemble des importations.
2 La surveillance des droits de douane réciproques est cruciale, non pas parce que d’autres pays imposent des droits de douane plus élevés aux États-Unis, mais parce que l’administration considère la TVA européenne de 20 % comme l’équivalent d’un droit de douane. Source : Goldman Sachs Global Investment Research Global Views : Du haut vers le bas 10 mars 2025.
3 Goldman Sachs Asset Management. Réflexions sur les marchés obligataires Au 7 mars 2025.
4 Macrobond, Goldman Sachs Asset Management. Au 11 mars 2025.
5 Goldman Sachs Asset Management. Réflexions sur les marchés obligataires Au 31 janvier 2025.
6 Bloomberg. Au 11 mars 2025. Basé sur l’indice Hang Seng TECH.
7 Goldman Sachs Global Investment Research, Global Strategy Views. Au 25 février 2025.
8 Bloomberg, Goldman Sachs Asset Management. Au 11 mars 2025. Basé sur les indices MSCI Europe et DAX Total Return Daily Hedged USD.
9 Goldman Sachs Global Investment Research. Suivi de l’adoption de l’IA. Au 12 décembre 2024.
10 Goldman Sachs Asset Management. Au 7 mars 2025.
